Le poulet
La scène se passe au XVIIIe siècle. M. d'Orville a pris un médicament prescrit par le docteur. Il a grand faim et ses valets La Brie et Comtois mettent le couvert. Quand Comtois apporte un succulent poulet, M. d'Orville, assis devant son assiette, s'est endormi d'un profond sommeil.
La Brie | - Cela nous fera dîner à je ne sais quelle heure, et je meurs de faim. |
Comtois | - Et moi aussi. Ma foi, je m'en vais l'éveiller. |
L.B. | - Tu n'en viendras jamais à bout ! |
Comtois, (criant) | - Monsieur ! |
La Brie | - Oui, oui, vois comme il remue ! Il ronfle de plus en plus fort ! |
C. | - Quel diable d'homme ! Coupe le poulet : en cas qu'il se réveille, ce sera toujours autant de fait. |
L.B. | - Et il sera froid; je ne m'y risque pas. |
C. | - Eh bien, je m'en vais le couper, moi (il coupe une cuisse). Tiens, vois comme cela sent bon... |
L.B. | - Je n'ai pas besoin de sentir pour avoir encore plus faim. |
C. | - Ma foi, j'ai envie de manger cette cuisse-là. Le docteur lui a ordonné de ne manger qu'une aile... (Il mange la cuisse) Elle est bonne, je m'en vais boire un coup. (Il se verse à boire et boit). |
L.B. | - Oh ! j'en ferai bien autant que toi. Allons, allons, donne-moi l'autre cuisse. |
C. | - Tiens. |
L.B. | - Donne-moi donc du pain. |
C. | - Tiens, voilà. |
L.B. | - Ma foi, tu as raison; ce poulet est excellent. Mais je veux boire aussi ... |
(Les deux valets finissent le poulet et vident la bouteille). | |
C. | - A présent, que ferons-nous quand il s'éveillera. Il ne reste plus rien dans la bouteille. |
L.B. | - Le voilà qui remue. Tiens j'ai une idée. Mets tous les os dans son assiette et dis comme moi ! |
M. d'Orville (se frottant les yeux) | - Eh bien, qu'est-ce que vous faites là, vous autres ? |
L.B. | - Monsieur, nous attendons. |
M. d'O | - Ces coquins-là ne veulent donc pas me donner mon poulet ? |
L.B. | - Votre poulet, Monsieur ? |
M. d'O | - Oui, voilà deux heures que j'attends ! |
L.B. | - Que vous attendez, Monsieur ? Vous badinez, votre poulet est bien loin. |
M. d'O | - Comment bien loin ? Qu'est-ce que cela veut dire ? |
L.B. | - Tenez, monsieur, regardez devant vous. |
M. d'O | - Quoi ? |
L.B. | - Vous ne vous souvenez pas que vous l'avez mangé ? |
M. d'O | - Moi ? |
L.B. | - Oui, Monsieur. |
C. | - Monsieur a dormi depuis. |
M. d'O | - Je n'en reviens pas ! Je l'ai mangé ? |
L.B. | - Oui, Monsieur, et vous n'avez rien laissé. Voyez ! |
M. d'O | - Je l'ai mangé ! C'est incompréhensible ! Et je meurs de faim. Mais je voudrais boire un coup du moins. |
L.B. | - Vous avez tout bu. Nous ne vous avons jamais vu une soif et un appétit pareils ! |
C. | - C'est sûrement la médecine qui a fait cela. Monsieur veut-il un verre d'eau pour se rincer la bouche ? Parce que nous, nous irons dîner après cela. |
d'après Carmontelle (Proverbes)
1. Comment s'appelle le maître ?
Les deux valets ?
2. L'un des valets veut réveiller son maître. Que dit l'autre ?
3. Quelle excuse trouve le valet qui mange la première cuisse ?
4. Lequel des deux valets te semble le plus malin ?
Que dit-il à son ami qui justifie la réponse ?
5. Quand le maître se réveille et réclame son poulet, le valet fait semblant d'être étonné et de prendre la demande de son maître pour une plaisanterie. Quelle terme emploie-t-il ?
6. Le maître est très étonné d'avoir mangé le poulet; deux expressions du texte le montrent, lesquelles ?
7. Cette scène se passe au XVIIIe siècle, le valet dit à son maître : «C'est sûrement la médecine qui a fait cela.»
Aujourd'hui, il dirait : «C'est _______________________________________________________________________ qui a fait cela.»
ou «C'est ______________________________________________________________________________________ qui a fait cela.»