Les visiteurs venus d'un autre monde. I.
Que m'arrive-t-il ce soir ? Depuis plus d'une heure je cherche en vain le sommeil. Pourtant tout est calme autour de moi. Une voiture passe sur la route et ses phrases dessinent un fugitif rectangle lumineux autour des volets de bois. A côté, dans sa chambre, mon fils Roger dort. De son sommeil s'échappent quelques paroles incohérentes. A quoi rêve-t-il ? .... A l'autre bout de la maison, mon amie Madeleine, venue passer quelques jours près de nous, dort aussi. Un meuble craque.... Les moineaux qui ont fait leur nid entre le toit et le plafond se chamaillent et j'entends leurs petits cris de colère.... Pluis le silence revient. Ce soir il m'oppresse.... Mes pensées tournent dans ma tête. Je ferme les yeux.... Je voudrais dormir... dormir.
Un bourdonnement agaçant s'est installé dans mes oreilles. Tout à coup, Diane, la chienne de mes voisins, lance un jappement bref suivi d'une sorte de longue plainte. Mon coeur bat plus vite. Que se passe-t-il ? Jamais Diane n'a crié ainsi ! Mais elle s'est tue, et de nouveau c'est le silence. Je suis mal à l'aise. Le bourdonnement persiste, on dirait le ronflement très très lointain d'un avion. Maintenant il semble ses rapprocher.... Non; il s'éloigne... puis il revient. Serait-ce le vent dans la forêt toute proche ? Une tempête se prépare-t-elle ? Pourtant quand je suis sortie pour fermer les volets, le ciel était clair. J'ai admiré les étoiles, cherché les constellations. J'ai vu Orion, la Grande Ourse, la Petite Ourse; j'ai reconnu l'étoile polaire et celle que je préfère entre toutes, celle que j'ai appris à connaître dès mon enfance, la magnifique Vénus, appelée encore l'étoile du berger.
Toujours ce bourdonnement qui m'inquiète. Maintenant on dirait qu'il s'est fixé là, au-dessus de la maison. Il devient lancinant et vrille mon cerveau. Comment se fait-il que Madeleine ne se réveille pas ? Elle a pourtant le sommeil léger !
Diane se fait encore entendre et au moment où retentit sa plainte, le rectangle lumineux se dessine autour de la porte-fenêtre. L'espace d'une seconde, une lumière éblouissante, verte et bleue, a illuminé toute la chambre. Ce n'étaient pas les phares d'une voiture, j'en suis certain.... Tous mes sens sont en éveil, j'écoute en retenant ma respiration. Tiens, le bourdonnement a disparu.... Le silence est total.
Soudain, je sursaute. On frappe à mon volet. De petits coups discrets accompagnés d'un froissement. J'écoute... on frappe encore et j'entends une voix étrange qui chantonne : « s'il vous plaît ... du secours. »
Je saute de mon lit, j'enfile ma robe de chambre, ouvre la porte et les volets et me trouve devant deux êtres extraordinaires. Pas très grands, minces, vêtus l'un et l'autre d'une combinaison phosphorescente qui les enveloppe de la tête aux pieds. Ils se tiennent devant moi et tentent de m'expliquer leur présence. Leur langage m'est inconnu mais ses sonorités sont douces et claires. L'un d'eux sort une petite boîte métallique dont partent deux fils en spirale. «S'il vous plaît », me dit-il, en me tendant l'extrémité de l'un des fils et en me montrant que je dois l'introduire dans l'oreille. Alors, je comprends tout ce que me disent mes visiteurs.
« Nous venons de très loin, d'une autre planète. Notre voyage dans le cosmos a duré des jours et des jours. Notre vaisseau a été heurté par la queue d'une comète, et nos appareils, déréglés, ne nous ont pas permis de rentrer chez nous. Notre vaisseau est posé là, sur votre pelouse. Nous sommes épuisés; n'ayez pas peur.... Aidez-nous ! » Mais non, je n'ai pas peur ! Ces êtres à la voix si douce ne peuvent pas être méchants ! Je les fais entrer dans la maison et vais réveiller Madeleine à qui je conte l'histoire en quelques mots.
(à suivre)
L. Prager
inédit