Les loups. II.

(Les loups et le cheval fou.)

Eve, la louve a eu quatre louveteaux. Verdun a averti le père de Pascal qu'un cheval fou, dangereux, rôde dans la région.

Il a neigé cette nuit, mais maintenant il fait très beau et le ciel bleu n'a pas un nuage. Verdun a rapporté une luge à l'enfant. Celui-ci est pressé d'en faire l'essai et du coup, j'oublie la menace du fameux cheval. Tandis que Pascal s'écarte en tirant sa luge au bout d'une ficelle, je sors la voiture du garage dans l'intention d'aller faire des courses au village. L'enfant grimpe le premier talus de la forêt, sous les sapins. Je me souviens à cet instant de l'étalon dangereux et m'apprête à crier à Pascal de revenir mais, à la seconde où je vais le faire, le moteur de la voiture cale.

Marinette passe près de moi. Elle porte dans un seau la pitance des loups. Je me plonge sous le capot de la voiture quand j'entends hurler les sirènes. Le son résonne sous la tôle du capot ouvert. Ahuri, je regarde le moteur. Le hurlement retentit de nouveau, plus strident, plus insoutenable que jamais, puis se brise et cesse. Je comprends alors que ce bruit inhumain retentit derrière moi et je me redresse.

Tout à coup, je comprends: c'est un hennissement de cheval, venu de la profondeur des bois, du côté même où j'ai vu Pascal s'éloigner. Je m'élance en courant vers les sapins. C'est pour voir apparaître, lancé à toute vitesse sur sa luge, Pascal qui ne me regarde pas, mais fonce, l'étalon blanc le poursuivant à dix mètres. Je cours de plus belle.... Pascal me voit :

- Arrête, papa, me crie-t-il, voici les loups !

Saisi, je me retourne, Marinette, d'une seule main, sans hésiter, a tiré le loquet de la porte du chenil. Quand l'enfant m'avertit, ils ont déjà fait la moitié du chemin et le cheval, bloquant des quatre pieds, dérapant sur la neige, suspend sa cahsrge. Il hennit de nouveau et ce son haletant, cette fois, exprime la crainte.... Les loups allongent la foulée, nous dépassent dans un profond silence, lancés comme des flèches.

L'enfant, debout contre mes jambes, ayant quitté sa luge, se serre contre moi....

Le cheval fait face à Eve et celle-ci s'élance vers lui de quelques foulées de galop en poussant un cri de gorge, une sorte de râle coléreux, un feulement bref et méchant. L'étalon réagit par un soubresaut à ce cri agressif. C'est trop tard. Déjà Adam s'est rué sur lui comme un furieux....

Le grand loup gris n'a pas manqué son coup...

L'étalon tremble de plus en plus sur ses jambes frémissantes. Maintenant il chancelle... . Il est irrévocablement perdu...

- Regarde ! me dit Pascal.

Il tend le bras. Je tourne la tête et vois, dans la direction qu'il m'indique, les quatre louveteaux, très calmes, immobiles, assis côte à côte sur la neige, bien en file...

d'après Michel Bataille

«L'arbre de Noël »

Ed. Juillard

Le cercle du nouveau livre.