Dans les cannes à sucre.
La nuit était encore épaisse, lorsqu'un matin, accompagné de mes guides, je m'enfonçai dans la forêt vierge. Soudain le chef des guides s'arrêta et me dit à voix basse : «Restons ici et attendons.»
A cet endroit, une famille de chimpanzés se donnait chaque jour rendez-vous, avant de se rendre dans un champ voisin planté de cannes à sucre, pour la cérémonie du petit déjeuner. Les chimpanzés raffolent du jus de la canne.
Tout à coup, un claquement retentit, suivi d'un bruit de pluie. Pas de doute, la famille de chimpanzés attendue était fidèle au rendez-vous. D'arbre en arbre, de branche en branche, les bêtes se coulaient à travers les feuilles, se balançant un moment avant de repartir. Les claquements provenaient du contact de leurs mains sur l'écorce des troncs, et le bruit de pluie, de l'ébranlement des feuillages qui, durement secoués, laissaient tomber les gouttelettes déposées sur les feuilles par la rosée matinale.
Un court «Hui!» se fit entendre. Le chef des chimpanzés ordonnait de faire halte. Chaque famille a son chef responsable du bien-être des animaux dont il a la charge. Avant de procéder à la cueillette, il écoute attentivement pour déceler la présence de l'homme, son pire ennemi. En même temps il observe si, d'aventure, quelque léopard ne rôde pas dans les environs, caché dans un fourré, guettant un jeune singe attardé.
Aussi une fois la tribu parvenue au sol, les mères ne laissent-elles jamais les enfants s'éloigner sans surveillance. Les petits se réfugient dans les bras maternels et les autres enfants se juchent sur le dos de leur nourrice.
Pour indiquer que la voie est libre et qu'aucun ennemi ne guette dans l'ombre, le chef à deux reprises, lance un «Hui-hui» modulé. Les bêtes ont alors l'autorisation de descendre de leurs perchoirs. Le feuillage s'entrouvre: par grappes, les chimpanzés jaillissent tel un escadron de parachutistes. Chacun veut être le premier arrivé. Certains ne se donnent même pas la peine de glisser le long des troncs, ils se lâchent tout bonnement et tombent de quatre à cinq mètres dans le fouillis des lianes qui tapissent le sol.
Le chef ne participe pas au festin, mais se tient en sentinelle dans les branches d'un arbre isolé.
Levant les yeux, je viens de l'apercevoir. C'est une masse sombre d'un mètre soixante de haut, dressée presque à la verticale au-dessus de ma tête. Le volume de sa tête est double de celui d'une tête humaine; sa poitrine est recouverte de longs poils noirs qui pendent en touffes, et l'envergure de ses bras est imposante.
Derrière un tas de cannes à sucre, un jeune singe s'était réfugié. Il mâchonnait une forte tige, faisant jaillir le jus autour de lui. La mère, soudain surprise de ne plus voir son rejeton, souffla, se dressa, cherchant des yeux le petit, mais elle ne put le découvrir parmi les autres. Pour avoir une meilleure vue d'ensemble, la guenon, à son tour, escalada un tas de cannes à sucre. A peine eut-elle entrevu son petit, qu'elle se précipita sur lui, l'attrapa par le cou et le tira à elle. Le jeune singe se mit à geindre tandis que sa mère lui administrait une sévère correction.
Le jour, entre temps, s'était complètement levé et le chef des chimpanzés ordonna la retraite lançant à ses troupes un «Ha» guttural. Tous les singes soulevèrent des brassées de cannes à sucre et se préparèrent à les emporter.
Deux heures plus tard, dans les profondeurs de la forêt, les chimpanzés avaient rejoint leur tanière au faîte des arbres. Le chef, absorbé par son rôle de sentinelle, n'avait pas pu participer à la cueillette. Il vint faire la quête auprès des autres membres de la tribu. Tous, jeunes et vieux, lui abandonnèrent sa part, sans mot dire.
d'après Henri Oberjohann : Mon gorille et mon chimpanzé
Traduit de l'allemand par Henri Daussy
© Ed. Buchet-Chastel, Paris.
Dans les cannes à sucre. (d'après Henri Oberjohann)
1. Remplace ce qui est entre parenthèses par le terme exact du texte.
Les chimpanzés (aiment beaucoup) le jus de canne.
Il écoute attentivement pour (essayer de découvrir) la présence de l'homme.
Le chimpanzé lance un «Ha» (qui vient du fond de la gorge).
2. Souligne ce qui est juste :
Au sol, les mères ne laissent pas les enfants s'éloigner
parce qu'un serpent peut les étouffer.
parce que le léopard peut les dévorer.
parce que la panthère peut les emporter.
parce que l'homme peut les capturer.
3. Dans le langage des chimpanzés que veulent dire les cris suivants :
Hui ________________________________________________________________________________________________________________
Hui - hui____________________________________________________________________________________________________________
Ha_________________________________________________________________________________________________________________
4. A quoi sont comparés les chimpanzés jaillissant des arbres ?
5. Complète la description du chef des chimpanzés.
C'est une masse sombre ________________________________________________________________________________________________
Le volume de sa tête est le double de celui __________________________________________________________________________________
sa _________________________________________________________________________________________________________________
et _________________________________________________________________________________________________________________
6. Pendant la cueillette, quel est le rôle du chef des chimpanzés ?
Comment fait-il pour se nourrir ?
7. Dessine un chimpanzé.