Les premières émotions d'un faon.
L'aube pointait au coeur de la forêt. Des branches craquaient dans le sous-bois. Un bâton résonna contre le tronc d'un hêtre...
C'était encore très loin, mais le jeune cerf au poil rouge avait rejoint sa mère. Il avait entendu et reconnu l'approche de l'homme. Il appuya son cou sur le corps de la biche et demeura rivé à elle, sans bouger, tandis que ses beaux yeux trahissaient la peur.
Il n'avait que sept mois, mais il se souvenait de ce qui s'était passé un jour du dernier été. Petit faon encore aux mamelles, il se tenait debout dans un taillis auprès de sa mère allongée. Il jouait, la poussait du museau, fouillait de son menu nez noir le doux pelage maternel. Soudain, la biche avait bondi, l'avait renversé dans les feuilles d'un coup de tête imprévu et brutal.
A demi étourdi, il était demeuré sans mouvement, à la place même où il était tombé. Des broussailles touffues le recouvraient de toutes parts. Sa mère n'était plus là, elle avait fui dans les bois en courant. Et voici qu'un cri terrifiant, plus rauque et plus sonore que celui du renard, l'avait fait trembler sous les feuilles. Bientôt ce cri s'était éloigné du côté où sa mère avait fui. Il n'avait pas bougé, il sentait qu'il était encore en danger, qu'il lui fallait attendre ici le retour de la biche disparue. Et blotti sous l'épaisseur du feuillage, il avait vu passer un être étrange au visage nu, qui marchait debout sous les arbres. L'odeur de la bête inconnue avait empli peu à peu le fourré, une odeur pénétrante que le petit faon ne devait plus oublier.
Contre les jambes toutes droites, pareilles à des poteaux noirs, marchait une autre bête au poil blanc, tacheté de feu. C'était un petit animal, courtaud de pattes, dodu de ventre, qui traînait après soi une odeur insupportable, une odeur ennemie.
Cette bestiole furetait, flairait à travers les broussailles, se rapprochait de lui en reniflant. Et brusquement, fonçant vers l'amas de feuilles où il tremblait de tous ses membres, elle lui avait jeté aux naseaux une volée de jappements aigus, jappements d'une petite bête rageuse, pas encore redoutable, mais qui le deviendrait bientôt, car ses cris ressemblaient au hurlement terrible qui résonnait encore par le bois sur les traces de la biche fugitive.
Ainsi, dès cette première rencontre, le faon au pelage rouge avait appris ce que c'était qu'un chien, ce que c'était qu'un homme. La voix de l'homme avait vibré sous les arbres.
«Ici Tapageaut !»
A son appel, la bestiole aboyante s'était tue, avait serré la queue entre les jambes et avait obéi à l'homme. La main de l'homme l'avait empoignée par le cou, soulevée sans qu'elle se débattît. L'homme s'était penché, ses yeux noirs et brillants avaient rencontré les yeux du faon. Enfin, doucement, il s'était éloigné. Longtemps, longtemps après, la grande biche était revenue, elle haletait, le poil mouillé de sueur. Elle lui avait léché le mufle, les paupières, elle s'était apaisée en caressant son faon, son petit. Maintenant le soleil s'élevait dans un grand ciel pâle et limpide qui commençait à bleuir doucement. Et la grande biche était là, longue et chaude, tandis que l'odeur de l'homme recommençait à flotter dans le vent.
d'après Maurice Genevoix
La dernière harde
Ed. Flammarion 1938 - J'ai lu.
Les premières émotions d'un faon. (d'après Maurice Genevoix)
1. Relève les bruits qui révèlent au jeune cerf l'approche de l'homme.
2. Quel âge a maintenant le jeune cerf ?
A quelle époque s'est passé sa première rencontre avec l'homme ?
3. Entoure le résumé qui te semble juste.
La biche a poussé le faon dans les feuilles pour s'amuser, puis elle s'est enfuie pour rejoindre les autres biches.
La biche a poussé le faon dans les feuilles pour le cacher, puis elle s'est enfuie pour attirer vers elle le gros chien de chasse.
4. Barre les détails qui ne sont pas dans le texte.
C'était une bête au long poil blanc tacheté de feu, un petit animal aux oreilles pendantes, courtaud de pattes, dodu de ventre, à la queue touffue, qui traînait après soi une odeur âcre et insupportable.
5. Quel est le nom du chien ?
Le faon trouve que le chien est une petite bête, il dit une _______________________________________________________________________
6. L'homme a-t-il vu le faon ? Justifie ta réponse.
7. Relève la phrase qui montre l'amour de la biche pour son faon.