Un pilote d'avion perdu en mer. I.

Son avion ayant heurté une montagne, Jean-Luc, le pilote, a fait fonctionner son siège éjectable et sauté en parachute.

Que c'est bon de se sentir revivre, même ainsi, suspendu entre nuages et mer.... Jean-Luc descend toujours.... De gros nuages blancs s'approchent maintenant, on croirait qu'ils montent vers lui. Le pilote traverse leur masse floconneuse. La mer est au-dessous de lui, il le sait....

Sorti des nuages, Jean-Luc découvre la Méditerranée, moutonneuse et grise. Il faut penser au gilet de sauvetage qui se gonfle avec une capsule de gaz.... Un tour d'horizon: la terre n'est pas tellement loin. La mer.... Comme elle vient vite ! voilà l'eau ! Plouf....

Dans une chute accélérée, Jean-Luc a disparu profondément dans l'eau froide d'où il remonte aussitôt.... Sa tête passe au travers des vagues.

Il boit.... Il gémit.... Il respire.... Les courroies du parachute deviennent horriblement génantes, et impossible pour l'instant de s'en débarrasser.... Le canot ? Où est le canot de sauvetage attaché à sa ceinture ? .... Il est toujours là.

D'un effort surhumain, aux limites de ses forces, Jean-Luc amène le sac du canot devant lui, ouvre sa fermeture éclair, et, quand le caoutchouc replié en jaillit, cherche sa bouteille de gaz qu'il actionne.

Presque instantanément le bateau se gonfle. Encore faudra-t-il pouvoir se hisser dessus ! pas facile... Après quelques essais malheureux, le pilote y arrive pourtant, et il reste là, longtemps, épuisé, à plat ventre, la tête sur le rebord, pour récupérer un peu de souffle... Le premier soin de Jean-Luc, dès qu'il se retrouve assis dans le canot plein d'eau, un dinghy, est de se libérer du parachute. Adieu, vieil et fidèle ami ! ... Sans toi, aujourd'hui...

Maintenant, il faut écoper l'eau de l'embarcation. Faute de mieux, Jean-Luc se sert d'une de ses chaussures. La mer grise est assez calme pour l'instant, mais il fait froid... si froid ! ...

Les «dinghy» de sauvetage ressemblent un peu à des berceaux, avec des capuchons qu'on peut rabattre et une sorte de couvre-pieds de toile noire qui s'agrafe sur les jambes. Grelottant au fond de son embarcation, Jean-Luc regarde la terre, toujours visible et toujours lointaine.... Un long moment, il la regarde, jusqu'à ce qu'un bruit d'avion, soudain, fasse battre éperdument son coeur.... Serait-ce possible ? Un avion arrive sur lui à basse altitude. Il cherche... Hélas ! A la verticale, il vire à gauche, se redresse, et disparaît vers la côte. La gorge du jeune homme se noue d'angoisse et de déception. C'est tellement petit, un homme, dans un dinghy, perdu sur la mer immense...

Une heure plus tard, un autre avion a passé. En pure perte, cette fois aussi. Jean-Luc avait pourtant lancé la fusée à étoiles rouges que contenait son gilet gonflant.

Maintenant la nuit tombe, il faut s'apprêter à lui résister, car le vent devient très fort. Malgré l'ombre qui s'épaissit, le pilote a distingué, dans le lointain, le passage d'un bateau illuminé, et il a crié vers lui comme l'aurait fait un enfant: mais les vagues, des vagues de cinq mètres à présent, le ballottent, recroquevillé dans son bateau. Par peur de tomber de fatigue et d'être projeté hors du canot par une lame plus violente, Jean-Luc s'est attaché par une corde à son bateau. Cette effroyable nuit, dont la tempête s'enfle et ronfle de plus en plus fort, il la passera malgré les éclairs et la pluie... et il tiendra bon, cramponné au dinghy, serrant un capuchon de toile entre ses dents, crachant à chaque instant l'eau de la mer qui pénètre dans sa bouche quand une vague l'ensevelit au passage.

Il sait, le pilote, que demain il fera jour et qu'on le cherchera. Car depuis le silence de sa propre radio toutes les radios sa zone, alertant ceux qui vont y circuler, sur la mer ou dans les airs, lanceront sans cesse l'alerte au sauvetage qui signifie : «Attention ! Ecoutez ! Cherchez ! Déroutez-vou.... Fouillez partout ! .... Une vie humaine est en péril ! »

(à suivre)