Dans les mers polaires. III.

(A la recherche du trésor des Vikings.)

Nils a découvert que depuis des siècles, un drakkar chargé d'or est dans une grotte, au fond de la mer. Il a plongé pour trouver le trésor.

Par trois fois, Nils promena le faisceau de sa lampe torche au long d'un éboulis de rochers. Au fur et à mesure qu'il s'enfonçait, tout, autour de lui, s'était fait opaque. Une myriade de poissons minuscules scintilla dans la lumière. L'ouverture, l'entrée de la grotte ne pouvait être que là. Il descendit encore de deux mètres, la lueur de la torche collée aux rochers.

Brusquement, la lueur elle-même disparut. Nils, surpris, s'immobilisa et il sentit une chaleur subite monter en lui. Il oublia la morsure du froid sur ses joues et ses mains. L'ouverture était là, et la lumière de sa torche d'était fondue dans la lumière qui venait de l'entrée. La grotte était éclairée ! Comment ?

Une choses était certaine, la caverne n'était pas entièrement envahie par les eaux !

Un boyau s'offrait à Nils, trois mètres à peine de nage prudente, de reptation presque. Aveuglé par la lumière blanche, Nils avançait avec crainte. Lorsqu'il sortit du boyau et déboucha dans la grotte, il ne lui fallut pas plus de trois mètres de remontée pour émerger. Un instant, il cligna des yeux, ébloui, et leva la tête. Le plafond de la grotte était bas, quatre mètres à peine au-dessus de la surface des eaux.

... Un lac ! Un lac d'eau salée avec de-ci, de-là, quelques rochers qui en trouaient la surface et, au plafond, un ouverture n'ayant guère plus d'un mètre de diamètre. La lumière venait de là, de l'extérieur. Après la noirceur absolue du fond de l'eau, la lumière venue de la nuit polaire semblait éblouissante. Nils nagea vers les rochers et y prit appui des avant-bras.

Pour la première fois, il eut conscience de la douceur de la température. Malgré l'ouverture qui, quelques mètres plus haut, donnait droit sur les glaces, l'air, autour de lui, était doux, presque chaud.

A même la roche, quelques herbes jaunâtres avaient poussé. Presque contre la joue du capitaine se balançait une fleur aux formes tourmentées, aux teintes d'un bleu délavé. Nils détacha la main droite du rocher et la plongea dans l'eau. L'explication était là: une eau tiède. Le courant sous-marin qui lentement, au cours des siècles avait élargi la grotte, était un courant chaud !

Nils promena son regard autour de lui. Le drakkar était là, certainement à quelques mètres.... Brusquement, il crut entendre comme un bruit sourd: les battements précipités de son propre coeur. Il se passa la main sur le front, la retira, humide de sueur. Un mirage peut-être ! Une illusion !

Il ferma les yeux un instant, puis les rouvrit. Alors, comme une bouffée de chaleur, la certitude pénétra en lui. La tache sombre, dont le friselis de l'eau estompait les contours, était toujours là, confuse, sous la mer, à vingt mètres de lui. Il assujettit son masque à demi rongé par le sel, couvert de plaques de coquillages noirs. D'un battement de pieds, Nils se rapprocha. Lorsque sa main caressa l'arrondi d'un bouclier, une joie comme jamais encore il n'en avait éprouvé submergea en lui tout autre sentiment.

Neuf siècles ! Il était le premier homme depuis neuf siècles à approcher le drakkar !

d'aprés Jean Coué

L'épave du Drakkar

Ed. Lafont (Plein vent)