Le félin géant. II.

(Aoûn et Zoûhr rencontrent le lion des rocs.)

Zoûhr a été blessé. Pendant plusieurs jours les deux hommes n'ont pas pu continuer leur route.

Mais un matin, la faiblesse de Zoûhr avait disparu et il suivit son compagnon à la grande poitrine. Leur amitié était profonde. La force d'Aoûn rassurait Zoûhr et l'émerveillait. Aoûn aimait la ruse de Zoûhr et les secrets qu'il tenait des hommes de sa race.

Le matin du neuvième jour, l'oeil perçant d'Aoûn repéra une fissure dans la montagne. Les chasseurs escaladèrent les roches et pénétrèrent alors dans une caverne basse et spacieuse. Une odeur de bête fauve les inquiéta et ils songeaient à sortir lorsqu'ils virent une lueur poindre par le bas.

- Il y a une autre issue ! murmura Zoûhr.

- Aoûn et Zoûhr sont les maîtres de la caverne, gronda Aoûn.

Zoûhr avait passé se tête dans la fente, un rauquement s'éleva et dans un vaste repaire, se dressa une bête formidable. On n'eut pu dire si elle ressemblait plus au tigre qu'au lion. Elle portait une crinière noire; soin poitrail était immense. C'était une bête allongée, sinueuse et toutefois trapue, qui dépassait par la taille comme par l'épaisseur des muscles, tous les carnivores. Ses yeux immenses jetaient des feux jaunes ou des feux verts.

« C'est le lion des rocs », chuchota Zoûhr.

La bête dressée conte la fente, battit ses flancs d'une queue velue. Aoûn saisit son harpon qu'il s'apprêtait à lancer par la fissure; il ouvrait la bouche pour pousser un cri de guerre.

Zoûhr arrêta le bras levé.

«Aoûn ne peut pas frapper assez fort à travers la fente pour tuer le lion des rocs, et enfin il sera difficile de l'atteindre: des rochers en saillies arrêteraient la course de l'arme. »

Aoûn comprit le danger d'irriter inutilement la bête. Elle pourrait sortir du repaire et se mettre à leur recherche. Or, elle s'apaisait déjà, et on devinait qu'elle ne chasserait pas la nuit prochaine: les restes abondants d'un onagre* étaient sur le sol.

Pendant un moment encore, on entendit le souffle du fauve puis il s'étendit nonchalamment dans son repaire. Parce qu'il ignorait la crainte, sa fureur d'apaisa vite. Aucune bête n'était assez hardie pour l'attaquer, sinon le rhinocéros. Le mammouth, sans le craindre, ne le combattait point. Les buffles s'épouvantaient devant lui, sa puissance dépassant celle de tous les carnivores.

Les êtres qu'il flairait derrière la muraille lui rappelaient l'odeur des singes, créatures chétives qu'il écrasait d'un coup de griffe. Aoûn et Zoûhr entrèrent vers le haut de la caverne.

(à suivre)

* l'onagre est une sorte d'âne sauvage.